Au pied du fort d’Aubervilliers, les Jardins Ouvriers des Vertus défient les immeubles. Depuis 15 ans, Gérard Congé est l’une des sentinelles de cette oasis de 2600m2. Tandis que la moitié va bientôt être détruite pour acceuillir les J.O 2024, Gérard vient, tant qu’il le peut encore, jeter un regard mouillé sur ce qui pourrait bientôt disparaître.
Ici, depuis 85 ans, on se retrouve aprés une journée harrassante, pour bricoler, jardiner, boire un coup, oublier la ville, s’inventer un monde. Les amours se conjuguent au fil du temps, les clans se dessinent pour s’opposer. En mettant le nez chez le voisin, on remarque un trou dans sa cuve. Un naïf croirait à un accident, un habitué à un sabotage. Aujourd’hui pourtant, abrités sous une tonnelle, les yeux rivés autour de grandes cartes scarifiées, dix des 85 jardiniers se dressent ensemble entre le béton et leurs plantations.
En face de cette maigre résistance, quatre membres de Spi Batignolles, le géant français de la construction, et Grand Paris Amenagement (GPA), le propriétaire foncier, sont venus désigner ceux qui devraient être sacrifiés le mois prochain, pour construire des annexes au centre aquatique olympique. “Je pensais être amputé de la moitié, finalement il me reste trois fois rien” s’exclame l’un des jardiniers. “On aura quand même l’entrée à la piscine gratuite ?”, plaisante un second, le coeur serré. Un dernier murmure : “Est-ce qu’on peut pleurer ? Rigoler ? Décider de quoique ce soit ?”